François CHENG, L'écriture poétique chinoise, suivi d'une anthologie des poèmes des T'ang, éditions du Seuil, Paris 1977.
Analyse de la poésie classique chinoise et anthologie de poèmes de la dynastie T'ang, avec la participation, pour la transcription des poèmes, de Eugène SIMION, et, pour la mise en page des illustrations, de Nicole LEFEVRE et de Janine LESCARMONTIER, publication française brochée, 14x20,5cm, 263 pages.
Commentaires :
Comme l'indique le titre de cet ouvrage, il se divise en deux parties : la première porte sur l'analyse de la poésie chinoise classique, évolution, procédés, images ; la seconde, quant à elle, présente des poèmes de la dynastie des T'ang (618-907), en idéogrammes, puis une transcription phonétique en chinois moderne, une traduction littérale puis une traduction littéraire quand elle semble nécessaire.
Ce livre, bien qu'écrit clairement, est réellement destiné à un public d'initiés. On peut comprendre tout de même les procédés stylistiques de la poésie chinoise, en grande partie grâce aux exemples transcrits phonétiquement et leur traduction littérale ainsi qui les schémas qui les accompagnent.
En effet, tout, dans la poésie chinoise, est question de son et d'image. Premièrement, par la langue proprement dite, le nombre de syllabes est limité par rapport au nombre d'idéogramme, les homonymies sont assez courantes et deviennent un réel jeu stylistique en poésie, une sorte de calembour. Ensuite, il faut savoir que la notion d'image est plus subtile, car chaque société ou plutôt culture possède leur propre code visuel.
Exemple :
Le plus remarquable (il s'agit d'un choix parfaitement subjectif) :
le poème de Tu Fu (712-770):
朱門酒肉臭,
路有凍死骨.
Tsu ching fu Feng-hsien-hsien
yong-huai wu-pai tsu
(transcription en pinyin mandarin :
zhū mén jiǔ ròu xiù/chòu,
lù yǒu dòng-sǐ gǔ.)
Portes rouges / vin viande putréfié,
chemins parsemés / geler-mourir ossement.
les images sont :
portes rouges = riche demeure,
vin viande putréfié = bonne chair, festin,
chemin = errance, sans foyer,
ossement (os blanc) = mort sans sépulture.
On comprend bien, que, dans ce cas, sans les clés poétiques, la signification profonde de ce poème soit impossible à comprendre. Quel profane aurait pu traduire :
Dans les riches demeures, devant tant d'abondance, les mets finisse par se putréfier, tandis que le long des routes, les pauvres errants finissent par mourir de froid (et de faim).